Le poids de la normalité ou l’histoire de tous les vilains petits canards.

« Tu es trop sensible… Tu vois, c’est comme si nous avons tous un costume de sensibilité, et toi en plus, tu portes un manteau par dessus. Il faut que tu apprennes à laisser ton manteau sur un porte-manteaux. » m’avait dit mon père ce soir là, alors que nous mangions tous les deux.
C’était la première, et seule fois, où dans mon enfance quelqu’un me parlait d’hyper-sensibilité, sans la nommer. Et tout ce que j’ai pu entendre ce soir là, c’est que c’était trop... ainsi que la douloureuse confirmation que j’étais différente. Les autres n’avaient pas ce manteau.
J’entendais aussi que c’était à moi de m’adapter. À aucun moment, aurais-je pu me dire : Peut-être que ce sont les autres qui ne sont pas assez sensibles? Peut-être que ce sont eux qui sont anesthésiés?
Non. J’avais accepté la vision des autres.
La majorité l’emporte, et la normalité, c’est la majorité.
J’ai entendu cet après-midi, le témoignage de Clémence, née intersexe. Elle disait avoir découvert qu’elle n’était pas seule, grace à un documentaire sur ARTE où d’autres personnes témoignaient. Elle ajoutait s’être sentie alors profondément soulagée.
« J’ai pensé je ne suis pas seule, et c’est pas un problème. Même eux expliquaient que c’était une grosse souffrance, mais pas une grosse souffrance d’être comme ça. Mais une grosse souffrance que le monde n’arrive pas à nous intégrer, sans nous aliéner. »
A la fin de l’interview, elle ajoute qu’elle souffre de dépression et d’anxiété parce qu’on lui a tellement dit qu’elle n’était pas normale, qu’elle allait tomber malade, que forcément, elle a toujours un poids au dessus de ses épaules qui lui dit « De tout façon, mon corps il est pas normal, donc il va lâcher. »
Enfants, nous n’avons pas eu d’autres choix que de croire ce que les autres nous disaient, c'est pourquoi nous avons donné notre accord à ces pensées. Nous n’avions pas d’autres points de références alors, mais adultes nous pouvons remettre ces hisoires en question.
Seulement pour le faire, il nous faut arrêter de fuir la souffrance, pour pouvoir écouter ce qu’elle nous dit. Nous avons besoin de nous tourner vers l’intérieur, même si cela fait peur, pour entendre cette histoire que nous continuons de nous raconter sur nous-mêmes, celle qui nous dit qu’il y a quelque chose qui cloche chez nous.
Nous fuyons ce que nous ne voulons pas affronter, ce qui nous fait souffrir, les problèmes auxquels nous n'avons pas de réponse, mais en nous fuyant nous-mêmes, nous fuyons aussi notre propre liberté. ~Yung Pueblo
Le vrai problème, c’est l'histoire, jamais nous.
Nous n'avons pas à continuer de nous raconter des histoires qui nous font souffrir.
Nous pouvons choisir d'en écrire de nouvelles, qui nous nourrissent et nous inspirent.
Christel
Photo de Timotheus Wolf
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