Laisser à l'autre l'espace de son experience
"Tu as le mental. On sait que tu as le mental." Ça m'énerve d'entendre ça! Je ne sais pas si j'ai le mental pour ce truc là... me confiait une personne atteinte d'un cancer, exaspérée par ces propos de personnes qui se pensent aidantes.
Sans qu'ils en aient conscience, avec ces mots ils lui retirent la possibilité d'autre chose... La possibilité de se sentir démunie, apeurée, humaine, et de le dire.
Laisser à l'autre l'espace de son experience, c'est si important et si rare... Être présent sans empiéter, écouter sans chercher à conseiller, consoler, réparer.
Cela demande d'être à l'aise avec sa propre peur, son propre chagrin, son propre malaise intérieur face à l'incertitude.
Être face à quelqu'un de malade s'est être ramené à notre finitude, le rappel brutal qu'un jour la vie s'arrête pour ceux qu'on aime et pour nous-mêmes. C'est confrontant, d'autant plus dans notre civilisation où l'on en parle si peu. Alors les personnes malades se voient seules et démunies avec leur peur et leur souffrance, qu'elles ne peuvent pas partager.
Dans son dernier mail, Jeff Foster partageait ce qu'il vit depuis quelques mois, une maladie incurable, et la souffrance accentuée parfois par le manque d'écoute et de comprehension:
"Parfois, la spiritualité donne l'impression que tout est si facile. Parfois, même mes écrits le font. "Soyez juste présent ! Acceptez simplement ! Soyez juste avec ce qui est ! Faites confiance à tout ça !".
Mais, parfois... Putain, c'est vraiment dur.
C'est comme ça.
Et tu sais, c'est la vie, aussi. La douleur, la lutte et la ruine.
C'est aussi "ce qui est".
Un ami m'a récemment avoué : "Jeff, je me sens comme une merde aujourd'hui, et je ne veux pas le spiritualiser. Je ne veux pas en être conscient. Je ne veux pas l'accepter. Je ne veux pas le méditer. Je veux plonger dans ce sentiment, savoir ce que c'est que de se sentir vraiment merdique, afin qu'il n'y ait plus de guerre à l'intérieur...."
Pour accepter où nous sommes, nous devons parfois commencer par accepter qu'il est difficile, voire impossible, d'accepter où nous sommes. Nous acceptons notre lutte, notre non-acceptation, notre résistance, ce petit enfant en nous qui crie "Je trouve cela tellement, tellement difficile et je ne veux pas être ici et je veux que les choses redeviennent comme avant !". Parfois, c'est par là qu'il faut commencer. Par le commencement. Au début douloureux, brut, décevant, bouleversant, mais vrai.
Le début sincère... c'est là qu'est la vie. C'est là que nous nous rencontrons tous. C'est là que la guérison peut se produire."
Christel
Photo de Aaron Burden
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